Introduction
Le futur est en marche et avec lui arrive une nouvelle réglementation pour la construction neuve dès 2020. Nous allons essayer de voir, en trois articles, comment s’articule notre future réglementation.
- Une première partie consacrée à la performance énergétique, le E+ dans E+C-.
- Une deuxième sur l’arrivée du bilan carbone, qui peut aussi s’intituler l’analyse de cycle de vie et le niveau C2 pour les nuls.
- Puis en troisième partie nous verrons une étude que nous avons menée sur la migration d’un bâtiment « classique RT2012 » vers les niveaux E+C- notamment vers le niveau carbone 2. Cette étude porte sur l’ensemble du territoire mais il ne sera présenté ici que la zone H2C.
Pourquoi ?
La prochaine réglementation, dont les textes seront prochainement à l’écriture, avec une mise en place un peu après la mi-2020 introduit le calcul de l’impact carbone des nouvelles constructions.
Face à la raréfaction des énergies fossiles et donc le manque de maîtrise du coup de ces énergies la France s’est engagée en 1997, via le Protocole de Kyoto, à réduire ses émissions de CO2 d’un facteur 4. Le bâtiment, quatrième émetteur de GES (Gaz à Effet de Serre) en France est aussi le premier consommateur d’énergie avec 45% de la consommation nationale dont 65 % pour les seuls bâtiments résidentiels.
Label E+C-
Pour baisser la consommation en énergie des bâtiments et développer une démarche environnementale, pour parvenir à maitriser, dorénavant, la haute qualité environnementale, la future réglementation s’articule autour de deux vecteurs : un calcul de la performance énergétique (le E+), qui nous intéresse aujourd’hui dont nous verrons les différents niveaux et un calcul de l’empreinte environnementale (le C-), l’introduction de l’impact carbone comme évoqué ci-dessus, qui nous intéressera plus tard. La performance énergétique, que nous appellerons maintenant « E », s’associe à 4 niveaux : E1 à E4. L’analyse de cycle de vie d’un bâtiment, son bilan carbone, notre C, s’associe à deux niveaux : C1 et C2. Dans chaque cas, notre niveau C1 ou E1 représente l’entrée de gamme, le premier niveau. Dans les deux cas la future réglementation imposera des niveaux avec des minima.
Les niveaux E1 à E3 et la catastrophe du E4
Le niveau de performance énergétique est caractérisé par un nouvel indice appelé bilan Bepos. Nous prendrons maintenant en compte les consommations pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire, la ventilation, l’éclairage, les équipements auxiliaires mais aussi une part forfaitaire pour les autres équipements du logement. Le bilan Bepos, pour simplifier, c’est la différence entre les consommations d’énergie non-renouvelable (fioul, électricité, gaz) et l’exportation d’énergie renouvelable. Pour avoir un ordre de grandeur sur le E nous dirons que :
E1 = RT 2012 -5 %
E2 = RT 2012 – 10 %
E3 = RT 2012 – 20% et 20 kWh/m² d’énergie renouvelable
E4 = trop dur. Aujourd’hui c’est vouloir atteindre Mars avec Apollo 11.
E4 c’est être Bepos, un bâtiment à énergie positive. Je produis plus que je consomme. Il faut beaucoup d’énergie renouvelable exportable et donc beaucoup de photovoltaïque (on occulte volontairement les réseaux de chaleur et autres).
Le niveau E4 est dans l’immédiat inconcevable. Même s’il faut savoir être prudent en affirmant qu’un niveau est inatteignable. Certains « bureau d’études » affirment encore que le niveau carbone 2 est « inatteignable » alors que nous avons obtenu une labellisation CARBONE 2 ( partenariat avec le CETII) il y a déjà plus d’un an!!!!
Le niveau E3 impose 20 kWh/m² d’énergie renouvelable (ENR) au minimum. Il faut savoir que seul 10kWh/m² d’ENR produits sont valorisés par un facteur de 2,58¹. Tous les autres kWh/m² produits sont « valorisés » par un facteur 1.
Démonstration : je produis 35 kWh/m² d’ENR en toiture, j’exporte (10 x 2.58) et (25 x 1). J’entends bien les étudiants en math spé du lycée Pierre-de-Fermat, ordinateur en main, rétorquer « ça fait quand même 25.8 + 25 = 50.8 kWh/m² : c’est pas mal ».
Ok mon petit Padawan, mais pour le E4 il nous faut atteindre et dépasser 0. Il faut compenser d’un peu plus de 100% les énergies consommées (y compris les consommations du four, de la télé et du Stannah de grand-père).
Comme nous l’avons vu malheureusement seul 10 kWh/m² produits et exportés d’ENR seront valorisés avec un facteur de 2.58, tous les autres compteront pour 1 kWh/m².
L’électricité fourni au compteur de mon logement est comptée en totalité pour 2.58 : j’importe de l’électricité comptée à 2.58 et j’exporte de l’électricité verte (photovoltaïque) en majorité valorisé à 1. Il faut donc produire presque 2.58 fois plus d’électricité que je n’en consomme.
La synthèse
La mise en place de cette nouvelle réglementation doit permettre aux professionnels de la construction d’appréhender de nouvelles préoccupations dont l’environnement et la santé, au-travers notamment de la prise en compte de la qualité d’air par-exemple (rappelons juste que l’air intérieur est jusqu’à 15 fois plus pollué que l’air extérieur). Le développement d’un projet de niveau E3 et C2, comme l’avons fais, demande une interaction forte entre les parties (maître d’ouvrage, maître d’œuvre, industriels et bureau d’études). Cette interaction suppose le développement et la mise en place entre toutes les parties d’un système de management environnemental (SME). Grâce au SME nous pourrons définir nos cibles environnementales, nos objectifs, comme nous le ferions dans un projet HQE, afin d’atteindre les niveaux E1, E2 et surtout E3.
Cette trame, ce support qu’est le SME, permet une fois les cibles et objectifs fixés de suivre notre chemin vers nos exigences ; d’organiser notre travail vers l’atteinte de nos objectifs (qu’ils soient E1, E2 ou encore E3) et maintenir une réelle maitrise des coûts. Développer un projet immobilier vers les niveaux E2, E3 et C2 demandent une grande cohérence entre le calcul de la performance énergétique et le bilan carbone. Le gain en performance énergétique peut pénaliser notre bilan carbone et réciproquement. Il s’agit de trouver un réel équilibre que certains semblent ne pas encore avoir trouvé. Mais comme nous le verrons dans le deuxième article consacré au bilan carbone, le niveau C2, a contrario du niveau E4, est tout a fait atteignable.
¹ – L’énergie primaire, notée Ep, c’est l’énergie brute dans les ressources naturelles. Les énergies fossiles (fioul, gaz,..) sont des énergies primaires. L’énergie finale est l’énergie disponible au compteur. Entre l’extraction et le compteur il y a transformation des ressources en énergie et transport.
Le coefficient de conversion des énergies fossiles, bien qu’il y a extraction et transport, est de 1. Il est vrai que la consommation qu’un supertanker peut être négligée (même s’il est totalement faux de dire que les 15 plus gros consomment autant que tous les véhicules du monde, c’est même totalement stupide).
Avec l’électricité, pour calculer notre coefficient de conversion, il nous faut prendre en compte le rendement des différents modes de production et leur part dans la production totale : gaz, fioul et charbon produisent 10 % de l’électricité nationale avec un rendement de 35 %, les ENR produisent 15 % avec un rendement de 100%, et le nucléaire produit 75 % avec un rendement d’un peu plus de 30%.
Bref, un simple calcul nous donne un rendement global de presque 45%, soit un coefficient moyen de 100%/45% = 2.25. Pour arriver à 2,58 on rajoute les pertes en ligne de l’ordre de 5 % : 45%-5% = 40% de rendement total pour une production de 100% : 100/40=2.5 (sans les arrondies 2,58).
C’est ce facteur qui est alors utilisé pour obtenir une équivalence entre électricité reçu au compteur et celle produite par les panneaux photovoltaïque.